Notre lettre 1169 publiée le 1 mars 2025
QU'EN EST-IL
DE LA PATERNITÉ ÉPISCOPALE
DE L'ARCHEVÊQUE DE TOURS ?
MGR JORDY FAIT UN SELFIE
AVEC LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
UNE LETTRE À MADAME CÉCILE LASCEVE
DE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE
PAR LE DOCTEUR PHILIPPE DE LABRIOLLE
Madame,
Votre entretien avec Mgr Jordy, tel que vous le relatez, est l’occasion de désigner l’archevêque de Tours comme accompagnant « la question des traditionalistes à l’échelle de la France ». L’énoncé est surprenant : comment accompagne-t-on une question ? D’autant qu’aucun mandat de cette nature n’est mentionné parmi ses attributions sur le site de la Conférence des évêques de France (CEF).
A ma connaissance, Mgr Jordy essaie, autant qu’il dépend de lui, de garder des relations pacifiées avec ceux qui, pour le dire simplement, sont plus soucieux de cohérence catholique que lui. Il a limité le nombre de messes dites selon le missel de 1962. Mais celles-ci, comme vous l’avez constaté, sont très achalandées, quand la messe du samedi soir, dans la même église, rassemble difficilement quelques dizaines de fidèles du troisième âge.
Mgr Jordy a aussi interdit les baptêmes d’adultes par la FSSP, exigé la nouvelle liturgie des baptêmes d’enfants, et quelques autres mortifications comme la limitation des temps de confession. Confesser trop, c’est mal, et surtout à l’ancienne, c’est à dire en récitant son acte de contrition. La fraternité Saint Pierre supporte ces restrictions qui, a priori, heurtent le bon sens, dont Descartes, en ouvrant le « Discours de la Méthode », affirme qu’elle est la chose du monde la mieux partagée. Sauf à Tours ? Quel patron-artisan freinerait l’ardeur de ses apprentis ? Quel chef de service blâmerait-il ses subordonnés trop zélés… ?
Eh bien, Mgr Jordy, lui, exige que la FSSP réduise son offre, car cette offre là trouve son public. C’est ainsi. Et c’est bien le problème de l’Ordinaire de Tours, qui est que l’attraction des offices offrant un sens du sacré et un art musical de haute tenue est un phénomène qu’il ne contrôle pas. Pas plus qu’il n’a prise sur la chute de la pratique diocésaine et des vocations sacerdotales. A la question « Vous craignez une fracture dans l’Église ? », le prélat répond : « il y a un risque d’isolement ». Mais qui s’en plaint à part lui ?
Dans la tradition historique de l’Église, soit depuis 2000 ans, les évêques sont les successeurs des apôtres. Au concile Vatican II (1962/1965), ils ont eu une promotion : ils sont devenus « vicaires et délégués du Christ » (LG27). Mais leur mission s’est effondrée : ce qu’on constate, en France, c’est que l’Ordinaire est devenu un JO chargé de faire jouer tous le monde ensemble. Bref, l’isolé, c’est Mgr Jordy.
Notez son dépit lorsqu’il parle de la FSSPX, « non reconnue par Rome ». « Une église qui ne dépend pas de nous ». Mais qui valide leurs confessions, sinon le Pape François ? Et qui valide les mariages aux Minimes sinon... Mgr Jordy ? Et il ne peut pas les expulser : ils sont chez eux. Dans les paroisses parisiennes, le Covid a réduit de 30 % le nombre des pratiquants, et d’autant la quête... Le président de la CEF avait fait fermer les églises en mars 2020, et c’est le Conseil d’État qui les a fait rouvrir au nom de la liberté de culte en mai 2020. La République nous protège de ces tristes sires. Leur stérilité les rend amers, y compris le clergé qui peste parce qu’on trouve mieux ailleurs que chez eux.
« Le ton s’est durci envers les évêques » déplore l’évêque. Se prendrait-il pour un vicaire et délégué du Christ, par hasard ? Alors il faut le montrer. Pour l’instant, les catholiques cohérents n’attendent rien de lui, sinon qu’il leur fiche la paix, à défaut de les comprendre, voire, soyons fous, de les aimer...
Philippe de Labriolle
Psychiatre Honoraire des Hôpitaux