Notre lettre 1104 publiée le 20 septembre 2024

SIC TRANSIT GLORIA MUNDI

UNE CHRONIQUE
DE PHILIPPE DE LABRIOLLE
APRÈS LE SCANDALE RUPNIK
L'ÉTRANGE CAS DE L'ABBÉ PIERRE

L’abbé Pierre, idole vacillante, et désormais déchue ! Le voile se lève, et le prédateur apparaît, dans toute son effrayante laideur. Le voilà voué aux gémonies. La roche tarpéienne est près du capitole. Bref, on ne sait plus à quelle métaphore se raccrocher. Depuis les années cinquante, on savait.

Que savait-on, que l’on redécouvre après l’avoir mis sous le boisseau ? Certes, la chasteté douteuse de l’abbé n’était pas un secret, puisqu’il en avait lui-même fait l’aveu. Mais pourquoi attendre dix sept ans après son décès pour faire connaître, derrière l’incontinent, le prédateur ? Mais la chronologie peut être interrogée, tout autant que la synchronisation des témoignages à charge.

Qui savait, de la hiérarchie catholique, et n’a rien fait ? L’abbé relevait du diocèse de Grenoble. Mais, objecte ces jours-ci le président de la CEF, Mgr de Moulins-Beaufort, sur RCF, c’est Emmaüs qu’il faut interroger, car depuis l’appel de 1954, amplifiant l’impact de cette structure caritative créée en 1949, l’abbé, quoique prêtre catholique, n’a plus de mission pastorale, et ne vit que pour Emmaüs. A cette défausse étonnante, le prélat ajoute qu’il ne sait rien de cette époque, car il est né en 62. Et qu’aucun évêque de la CEF actuelle n’était en âge de mémoriser quoi que ce soit sur cette époque…

Pourtant, en 1955, rapporte le journaliste de RCF, qui, quoique né dans les années 80, sait que l’Histoire se reconstitue à travers les documents, l’abbé Pierre, invité aux Etats-Unis, s’y comporte en satyre, et se fait expulser vers le Canada, où il récidive. Apprenant que la légion d’honneur est envisagée pour l’abbé dévoué aux plus pauvres, le Cardinal-Archevêque de Paris (1949/1966), Mgr Feltin, le même qui, en 1936, faisait voter Front Populaire, s’interpose, eu égard aux mœurs notoirement indignes de l’abbé. Ce dernier est déjà Chevalier à titre militaire depuis 46, et sera Officier en 81, puis Commandeur en 87. Nommé Grand Officier en 92, il refuse la décoration, car l’État refuse de mettre les logements vides à la disposition des SDF ! Elle lui sera remise en 2001. Enfin, le voilà Grand Croix en juillet 2004.

La protestation de Mgr Feltin n’aura fait, au mieux, que retarder le cursus honorum international de l’abbé, dont l’impressionnante moisson de décorations, et autres prix richement dotés, peuvent difficilement passer pour exemptes d’enquête préalable.

Si l’action pénale s’éteint avec le décès du prévenu, le 22/01/2007, à l’hôpital du Val de Grâce (75005), que dire de la procédure substitutive que les médias entendent diligenter sur la place publique ? Le pape François y va de sa sentence imprécatoire, et précise que le Vatican savait, depuis le décès de l’abbé en 2007, soit à la fumée des cierges. Comme par hasard ! Devant cette débandade au plus haut niveau de la part du haut-clergé pour faire la lumière sur le chèvre-pied le plus aimé des Français, quelques remarques.

L’abbé Pierre n’est plus de ce monde. Il n’est donc plus question d’instruire par voie judiciaire. L’accusé ne peut plus ni se lever, ni se défendre. La présomption d’innocence perd-t-elle toute actualité ? Il y a alors un dommage possible, qui s’appelle « atteinte à la mémoire d’un mort » en Droit Pénal.

On pouvait toutefois escompter du clergé l’observation suivante : Feu l’abbé Pierre, qui s’est éteint à l’hiver 2007, a déjà comparu devant le Juste Juge. La vérité sur son âme a déjà été faite, et de la plus équitable des façons. Les catholiques doivent prioritairement prendre acte de cette échéance où tout faux semblant sera balayé. Inutile de le maudire d’avoir tiré sa révérence avant la disgrâce publique. On ne se moque pas de Dieu (bis repetita placent).

Les plaintes tardives, prescrites ou posthumes ne seront pas jugées par des magistrats judiciaires. Aucune instruction qualifiée n’en saisira les ambiguïtés éventuelles, dont le retard n’est pas la moindre. L’effet concret de cette queue de comète de la CIASE, c’est d’abonder dans le dégoût d’un homme d’Église, et d’une Église complice. Les arguments à charge abondent, et l’on sait qu’on ne sait pas tout. On ne prête qu’aux riches, et tout ce que l’on pourra dire sur l’abbé Pierre, à défaut d’être vrai, sera tenu pour vraisemblable. Si l’abbé s’était confessé de ses turpitudes, il lui aurait été demandé de les réparer. Qu’en a-t-il été en fait, telle est l’affaire du Jugement particulier. Mais c’est à l’Église de France de prendre en main l’instruction canonique de ses propres défaillances et prévarications.

Sans ce lavage de linge sale en juridiction canonique les médias ennemis de l’Église ne manqueront pas de la considérer comme gravement incompétente à respecter ses propres lois, et, sans qu’ils s’en plaignent, à assumer sa mission spirituelle propre avec décence. Si les victimes de l’érotisme incontrôlé de l’abbé Pierre réclament justice, n’oublions pas que les 23 témoignages écrits recueillis par la CIASE sont fort clairs : ce n’est pas de l’argent que les victimes demandent, c’est le grand chambardement dans l’Église qui les a fait souffrir.

Le Pape François dénonce les comportements « démoniaques » (sic) de l’abbé Pierre. Mais n’est ce pas le même qui dans « Amoris Laetitia » (2016) décrivait la miséricorde divine comme « gratuite, imméritée et inconditionnelle » ? A quel titre, au risque d’une contradiction patente, priver l’abbé du bénéfice de sa propre gnose ? Actuellement, l’évêque de Rome aboie avec les loups. Mais qui pense-t-il être pour juger ?

L’affaire en cours l’établit : l’Église est malade de cette gnose qui pardonne tout à tous, et donc fuit les conflits ouverts. Cette religion là encourage les prédateurs dans leurs pulsions humaines, trop humaines, puis les maudits si la Presse les ciblent. Ben voyons ! Alors, que la CEF se bouge, ou qu’elle donne sa démission, déjà actée dans les faits, du reste, et de longue date !

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