Notre lettre 970 publiée le 27 octobre 2023

EST CE QUE LA RELIGION

POST CONCILIAIRE

ABRUTIT SES PROMOTEURS ?

« Tout picard que j’étais, j’étais un bon apôtre » affirme Petit-Jean, des Plaideurs (Racine, 1668). Ce portier, « venu d’Amiens pour être suisse » a vite appris comment parler à chacun pour en tirer le maximum. L’ami Bidasse, popularisé par Fernandel, est natif d’Arras, « chef-lieu du Pas de Calais », et c’est un joyeux drille. Mais l’assassinat d’un enseignant par un islamiste revendiqué vient d’endeuiller cette ville qui fut espagnole, et pour la conquête de laquelle Cyrano ne retint pas son panache, ni Christian son sang.

L’homélie de l’évêque d’Arras, à l’occasion des obsèques de l’enseignant en littérature, martyrisé pour avoir fait un rempart de son corps face à l’assaillant qui cherchait « un prof d’histoire », était, somme toute, écrite avant tout effort de rédaction : offense à Dieu de la part du mécréant ; sacrifice de soi dans l’interposition ; on ne connaît ni le jour ni l’heure ; le martyre donnant sens « sub specie aeternitatis » ; présenter à Dieu, par ces obsèques, sous la prière commune, une victime de son devoir d’état. Bref, c’est le fonds catholique qui manquait le moins.

Se croyait-il au royaume des aveugles ? Mgr Leborgne a servi une prestation dont l’indigence, qui aurait pu passer inaperçue un dimanche ordinaire devant un parterre clairsemé, a connu une diffusion nationale. Dévoilant ainsi largement, sous la mitre, le vrai chantier de démolition qu’est la vie mentale d’un évêque français. Voyons cela.

« Que nous est-il permis d’espérer ? ». « La question est redoutable !». Surtout si on convoque l’idéalisme kantien pour ne pas y répondre. Si l’évêque d’Arras avait été au catéchisme, il aurait reçu de l’Eglise la réponse exacte, nécessaire et suffisante, celle de l’acte d’Espérance. « Mon Dieu, j’espère que vous me donnerez Votre Grace en ce monde, et, si j’observe Vos commandements, le bonheur éternel dans l’autre, car vous l’avez promis, et que Vous êtes souverainement fidèle à vos promesses ». Evidemment, c’est moins glamour de citer le catéchisme que de mentionner un Kant que l’on n’a pas lu. Avec toutefois une excuse, exposée par Nietzsche : Kant est un allemand qui parle chinois.

Depuis que les diocèses ont dénaturé la liturgie des obsèques au profit de rituels funéraires propres à l’espèce humaine, textes et pleurs expriment le manque du défunt. L’humanité y trouve son compte, mais le Salut Eternel du défunt, dont la prière traditionnelle des baptisés confie à l’Eglise l’intercession vis-à-vis du Christ sauveur, fait figure de préoccupation « historique », au sens bergoglien du terme, c’est-à-dire dépassée.

A propos des textes retenus pour la célébration, l’évêque se défausse. C’est la famille qui a choisi l’épitre de Saint Paul aux Corinthiens. « S’il me manque l’amour, je ne suis rien ». Puisqu’il s’agit d’un texte religieux, Leborgne nous en sert la version pour les nuls. La traduction traditionnelle du latin caritas en « charité », dénaturée par des novateurs en « amour », mot dont l’évêque déplore, non sans raison, la mise à toutes les sauces, n’est pas restaurée, même le temps d’un prône, par l’Ordinaire. Si ce dernier avait été au catéchisme, il aurait appris l’acte de Charité : « Mon Dieu, je Vous aime de tout mon cœur et par-dessus toute chose, parce que Vous êtes infiniment bon, infiniment aimable, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de Vous ». Telle est la charité qui rend intelligible l’épitre fameuse, aseptisée donc trahie : l’Etre aimé, c’est Dieu Lui-même ; celui qui n’aime pas Dieu a beau thésauriser les vanités de tous ordres, il est le plus malheureux des hommes.

Ayant dénoncé la polysémie du mot amour, l’évêque en use et en abuse, se croyant dédouané par son préambule. Il le fait exprès ou quoi ? Puis se rappelant que charité bien ordonnée commence par soi-même, il se met à parler de lui. Ah, l’école, quel trésor ; accents hugoliens. L’assassin a-t-il étudié autre chose que le Coran ? Ce qui le distinguerait de Mgr Leborgne, qui croit qu’Allah est une divinité pacifique ; et pourquoi pas Shiva ? Alors basta ! Vishnou la paix.

L’Ordinaire a grandi, et lu Bernanos, à sa façon. « L’œuvre d’éducation, initie à la liberté, rend capable d’engagement ». Soit, mais de qui parle-t-il ? Le terroriste n’a-t-il pas joué son va-tout, au nom d’Allah et du « saint » Coran ? Difficile de s’empêtrer plus massivement. Et d’enfiler les abstractions comme des perles en toc, pour ne rien dire de vérifiable. Mgr a beau être mauvais, il s’en tape, et voici pourquoi : « Tout est sauvé ». Oui, la violence, la mort, tout est épongé, balayé, évacué, désinfecté. Pourquoi se gêner ? Bigre, le sens commun est aux abonnés absents ! Pathétique ! Une pirouette finale avec Péguy, dont l’anticléricalisme désolait Maritain, mais qui, face au rituel funéraire confusionnant d’un martyr, eût été un gage d’hygiène mentale.

Inutile d’invoquer une espérance fictive pour qu’une intelligence de pasteur catholique retrouve un niveau acceptable chez l’évêque d’Arras. Avec Péguy, il faut « dire ce que l’on voit, et surtout voir ce que l’on voit ». Et que voit-on, chez l’évêque actuel d’Arras ? Que la religion post conciliaire abrutit ses promoteurs, au point que le spectacle en est indigne, partant, obscène…De ce point de vue, le silence du « Château » de Kafka, scandaleux de la part de l’épiscopat postconciliaire vis-à-vis des ouailles, peut être compris comme un silence protecteur pour les ministres en train de retourner leur mitre. Désormais, l’incohérence est dévoilée jusqu’à l’impudeur…Justice immanente, en attendant celle du Juste Juge.


Dr Philippe de Labriolle, Psychiatre honoraire des Hôpitaux

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