Notre lettre 919 publiée le 13 février 2023

SYNODE EUROPEEN...

LE REVE D'UN RETOUR
AUX ANNEES FRAICHES ET JOYEUSES DU CONCILE
...DANS l'INDIFFERENCE DU PEUPLE DE DIEU

Dans l’indifférence générale les réformateurs de l’Eglise célèbrent au sein du synode des églises européennes à Prague la « réforme » pour réformer et le retour aux années fraîches et joyeuses du Concile.

Jusqu’au 12 février prochain, quelques 200 délégués de trente pays participent à Prague à l’étape continentale du synode sur la synodalité, et 390 autres suivent les échanges en visio – après l’illusion du consentement des fidèles à travers des synthèses d’enquête diocésaines aussi arrangées que cruellement démenties par une contribution citoyenne de plus de 6.500 fidèles accueillie par un silence de plomb, voici maintenant l’illusion du consentement des évêques à la « réforme profonde »… pour quoi au juste ?


Comme à l’époque du Concile, des catholiques qu’on veut réformer contre leur gré

Il est vrai que 93% des répondants de ce « questionnaire de la dernière chance » attendent d’un prêtre qu’il dispense en priorité les sacrements, 87.6% qu’il soit célibataire, 74% que l’Eglise défende la Vie, 70% qu’elle protège la famille… probablement tout ce que les artisans du synode sur la synodalité veulent mettre à la benne, sous couvert d’adaptation et de réforme. Il n’est donc guère étonnant que les voix divergentes des fidèles ou des clercs soient passées sous silence…

Dans la Croix, le père Tomas Halick, tchèque, donne le ton… et le sentiment que ces « discussions » entre évêques ressembleront surtout au plenum d’un parti communiste du bloc de l’Est – l’âge des délégués, leur caractère interchangeable et leur formatage idéologique y compris.

D’autant que, comme l’écrit La Croix (6 février), l’exercice « périlleux et inédit » risque d’accoucher d’une souris : « les églises de l’Est, Pologne, Hongrie, ‘plus identitaires’, pourraient chercher à ‘profiter de l’occasion pour remonter frontalement au créneau contre les changements doctrinaux de la voie allemande’, craint un observateur. Depuis Rome, l’assemblée de Prague est perçue comme à risques, tant l’atmosphère des échanges semble incertaine […] devant les craintes exprimées, les cardinaux Mario Grech et Jean-Claude Hollerich, respectivement secrétaire général du synode des évêques et rapporteur du synode sur la synodalité, ont fait une récente mise au point : les rencontres à venir ‘n’ont pas vocation à traiter tous les sujets qui font l’objet de débats dans l’Eglise’, ont-ils écrit dans une lettre aux évêques européens ».

Pas question de s’écarter du scénario déjà écrit à Rome, et si c’était le cas, le synode européen serait rapidement enterré, comme le rappelle la voix de son maître, enfin dans ce rôle Mgr Joly, évêque de Troyes « et responsable de l’équipe synodale nationale. ‘Ce n’est pas à Prague que seront prises les décisions qui vont concerner l’Eglise universelle’, rappelle-t-il. Tout ce qui sera débattu en République tchèque sera de nouveau examiné par les évêques du monde entier et d’autres participants au synode au cours de deux sessions romaines, le processus devant s’achever en octobre 2024 ».

Les participants français – in situ, sont quatre, dont Mgr Joly (Troyes) et Mgr de Moulins-Beaufort (Reims-Ardennes). Parmi ceux qui suivent sur Internet, l’on trouve un aréopage de progressistes, dont un théologien du Centre Sèvres incardiné dans le diocèse surmesure pour lui du Havre, François Odinet, la secrétaire nationale du CCFD Dominique Rouyer, deux référents du diocèse de Limoges – pourquoi est-il ainsi surreprésenté ?

Mais encore Isabelle Morel, théologienne et spécialiste des catéchismes des années 1970 et 1980, notamment de Pierres Vivantes – qui a accompagné l’effondrement de la transmission de la foi en France… ou encore sœur Albertine, connue pour ses positions hétérodoxes. A Prague, est-elle toujours aussi prompte à stigmatiser « l’institution misogyne » que serait selon elle l’Eglise, qui lui donne une visibilité inespérée pour une personne convertie il y a trois ans seulement ?


« L’Eglise ne peut et ne doit pas être en résistance »

« La mission principale de l’Église, continue Tomas Halick, est l’évangélisation, qui consiste en une inculturation, un effort pour insuffler l’esprit de l’Évangile dans la manière de penser et de vivre des gens aujourd’hui. Sans cela, l’évangélisation n’est qu’un endoctrinement superficiel. L’Église ne peut, et ne doit pas faire partie de la contre-culture, ou être en résistance, si ce n’est face à des régimes répressifs tels que le nazisme, le fascisme et le communisme. Les tentatives de faire du catholicisme – surtout entre le milieu du XIXe, et le milieu du XXe siècle – une contre-culture contre la société, la culture, la science et la philosophie modernes ont conduit à une autocastration intellectuelle, causant l’éloignement d’une grande partie de la classe ouvrière, des intellectuels et des jeunes.

La peur et l’aversion pour la culture moderne ont mené à une ex-culturation, contribuant sensiblement à la sécularisation de la société occidentale. Les efforts de Vatican II pour dialoguer avec la modernité et l’humanisme séculier sont arrivés trop tard, à un moment où la modernité touchait déjà à sa fin. La société postmoderne présente aux Églises des défis et des opportunités très différents de ceux de la modernité. Pour devenir une voix crédible et intelligible à une époque de pluralité radicale, l’Église doit subir une réforme profonde – et j’espère que le chemin synodal sera une telle réforme ».

Exit donc la défense de la Vie dans des sociétés qui légalisent l’avortement et demain l’euthanasie, l’enseignement catholique là où des drag-queens animent des ateliers pour enfants, le catéchisme traditionnel, la lutte contre les profanations…ou le refus de donner la communion à des politiciens qui se disent chrétiens, mais posent des actes politiques contraires aux engagements chrétiens. Dans ses conditions, faut-il encore se dire catholique… ou cela aussi sera interdit aux fidèles de demain, au nom de la « réforme » et de la non-imposition du catholicisme à la « pluralité radicale » ?

Au passage, il justifie la voie synodale allemande, seulement considérée comme audacieuse, alors que nombre de ses positions sont hétérodoxes, voire profanatoires : « La voie synodale allemande semble accorder une grande importance au changement des structures institutionnelles. Elle soulève avec audace des questions qui ne peuvent être taboues, et parle de problèmes dont la solution ne peut être reportée indéfiniment. J’insiste cependant sur le fait que les réformes institutionnelles – comme les questions autour des conditions d’exercice du ministère sacerdotal – doivent précéder, et l’accompagner, un approfondissement de la théologie et de la spiritualité ».


Plus d’« accueil ». Même des tradis ?

Le ton était donné par le document de travail « élargis l’espace de ta tente » qui sert de base de travail à ce synode continental.

- Page 6 : « L’écoute comme ouverture à l’accueil à partir d’un désir d’inclusion radicale - personne n’est exclu ! - à comprendre dans une perspective de communion avec les sœurs et frères et avec le Père commun. L’écoute apparaît ici non pas comme une action instrumentale, mais comme la reprise de l’attitude fondamentale d’un Dieu à l’écoute de son Peuple, et la suite d’un Seigneur que les Évangiles nous présentent constamment à l’écoute des personnes qui le rencontrent sur les routes de la Terre Sainte »

- Page 15 : « L’image biblique de la tente se réfère à d’autres qui apparaissent dans de nombreuses synthèses : celle de la famille et celle de la maison, en tant que lieu auquel on souhaite appartenir et auquel on souhaite retourner. « L’Église-maison n’a pas de portes qui se ferment, mais un périmètre qui s’élargit continuellement » (CE Italie). La dynamique du foyer et de l’exil, de l’appartenance et de l’exclusion est perçue dans les synthèses comme une tension : « Ceux qui se sentent chez eux dans l’Église regrettent l’absence de ceux qui ne se sentent pas chez eux » (CE Irlande). À travers ces voix, nous percevons « le rêve divin d’une Église globale et synodale vivant l’unité dans la diversité. Dieu est en train de préparer du neuf et nous devons y collaborer »

- Pages 18 et 19 : « Parmi ceux qui demandent un dialogue plus significatif et un espace plus accueillant, nous trouvons également ceux qui, pour diverses raisons, ressentent une tension entre l’appartenance à l’Église et l’expérience de leurs propres relations affectives, comme par exemple : les divorcés remariés, les familles monoparentales, les personnes vivant dans un mariage polygame, les personnes LGBTQ, etc. Les synthèses montrent à quel point cette demande d’accueil interpelle de nombreuses Églises locales : « Les gens demandent que l’Église soit un refuge pour les personnes blessées et brisées, et non une institution pour les parfaits. Ils veulent que l’Église rencontre les gens là où ils sont, qu’elle marche avec eux plutôt que de les juger, et qu’elle établisse de vraies relations faites de bienveillance et d’authenticité, et non d’un sentiment de supériorité » 


Un autre éclairage est donné par le texte de la délégation française, qui a eu la parole ce 6 février :

- « La convergence entre le document pour l’étape continentale et le discernement des Églises locales conforte le souci d’une Église ouverte à tous parce que les yeux rivés sur le Christ : jeunes, pauvres et exclus, personnes avec un handicap, personnes homosexuelles, divorcés et remariés, chacun doit se sentir attendu dans l’Église et y trouver sa place car membre d’un même corps, celui du Christ (cf. 1Co 12). L’accueil inconditionnel n’empêche pas le discernement pour articuler miséricorde et vérité dans certaines situations spécifiques.

- A la suite du Christ, l’Église cherche à être à l’écoute du cri des pauvres et du cri de la terre, scrutant les traces du Royaume présentes dans le monde, une Église non pas repliée sur elle-même mais réellement prophétique. »

- On notera tout de même les inquiétudes : « De fortes tensions demeurent autour de la liturgie, avec l’application parfois douloureuse du Motu proprio Traditionis Custodes et le risque de division au sein de l’Église, mais également la manière de célébrer, le langage symbolique, la mission de chacun au sein de l’acte liturgique, ainsi qu’une attente assez forte autour de l’homélie. Les sensibilités ou les attachements à telle ou telle manière de célébrer mènent parfois à des divisions, les signes de la communion et la confiance dans l’amour maternel de l’Église s’estompant progressivement, c’est un lieu d’inquiétude en France. »


Traditionis Custodes, caillou dans la chaussure

Le document de travail relève aussi ces inquiétudes au sujet de Traditionis custodes : « La vision d’une Église capable d’une inclusion radicale, d’une appartenance partagée et d’une réelle hospitalité, conformément aux enseignements de Jésus, est au cœur du processus synodal : « Au lieu de nous comporter comme des gardiens essayant d’exclure les autres de la table, nous devons faire davantage pour nous assurer que les gens savent que chacun peut trouver une place et un foyer ici » (remarque d’un groupe paroissial des États-Unis) »

Le document de travail « Élargis l’espace de ta tente » semble donc dire que cette démarche d’exclusion de TC est à rebours de la synodalité, et qu’il faut faire tout le contraire…

Du reste, il va être difficile de justifier dans la durée, « et en même temps », l’accueil et l’écoute de tous, mais aussi l’exclusion des fidèles de la messe tridentine.

La Croix, écrit qu’à « partir du 9 février les débats se poursuivront à huis clos entre présidents de conférences épiscopales ». Plus « clérical » et en même temps « nécessité de débarrasser l’Eglise du cléricalisme » avec la « réforme de la gouvernance » font aussi partie du programme de ce synode, selon la Croix…


***


Tout cela dans l’indifférence générale. Vous savez, Chers Pères Évêques, tout cela n’intéresse plus personne. Et même si vous déclarez ceci

"De fortes tensions demeurent autour de la liturgie, avec l’application parfois douloureuse du Motu proprio Traditionis Custodes et le risque de division au sein de l’Église, mais également la manière de célébrer, le langage symbolique, la mission de chacun au sein de l’acte liturgique, ainsi qu’une attente assez forte autour de l’homélie. Les sensibilités ou les attachements à telle ou telle manière de célébrer mènent parfois à des divisions, les signes de la communion et la confiance dans l’amour maternel de l’Église s’estompant progressivement, c’est un lieu d’inquiétude en France."

Vous rendez-vous compte que vous n’intéressez plus personne ?

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