Notre lettre 906 publiée le 21 décembre 2022

CE SONT LES PRÊTRES DIOCESAINS TRADITIONNELS
QUE TRADITIONIS CUSTODES ASSASSINE

Paix Liturgique : Plus d’un an et demi après la publication du motu proprio Traditionis custodes pouvez-vous nous dire à quel point les traditionalistes ont été les victimes de cette décision inique.

Louis Renaudin : Pardonnez-moi de contredire des idées reçues, mais je ne pense pas que les traditionalistes aient été les véritables victimes de cette décision inique. Je dirais même que les plus « durs » d’entre eux n’ont pas du tout été concernés.


Paix Liturgique : Expliquez-vous ...

Louis Renaudin : Le monde traditionaliste se compose d’au moins deux grandes famille : la nébuleuse Saint-Pie-X et celle que l’on continue à nommer par commodité « Ecclesia dei ». Or, il est patent que la nébuleuse Saint-Pie-X n’a en aucune manière été concernée par le motu proprio Traditionis custodes. Ceci dit, à mon avis la FSSPX a d’ailleurs manqué l’occasion de montrer qu’elle jouait l’« union sacrée » en venant généreusement à l’aide des Ecclesia Dei et des prêtres diocésains et, notamment en offrant ses services pour les confirmations sans poser de condition. Je remarque que TC n’a aucunement remis en cause les largesses que le pape Benoît et le pape François lui avaient accordées gratuitement.


Paix Liturgique : Lesquelles ?

Louis Renaudin : Premièrement la levée des excommunications et plus encore celle de leur avoir accordé le pouvoir de confesser et de marier légalement, ce qui n’est pas mince au moment où nos évêques reviennent sur ces points pour les communautés qui dépendent de leur autorité.


Paix Liturgique : Ce sont donc les prêtres des communautés ex « Ecclesia Dei » qui avaient été visés ?

Louis Renaudin : Fondamentalement je ne le crois pas, même si cela avait pu être une intention collatérale la part des agités de Saint-Anselme et du groupe des amis du Cardinal Roche, Préfet du Dicastère du Culte divin, qui, nous le savons maintenant, sont à l’origine de Traditionis custodes.


Paix Liturgique : Mais ils ont bien été menacés ?

Louis Renaudin : Certes mais en définitive et en tout cas à ce jour pas de manière dramatique.


Paix Liturgique : Comment pouvez-vous dire cela ?

Louis Renaudin : En constatant les faits. Certes, un certain nombre d’évêques, notamment en France, en ont profité pour persécuter la FSSP en plusieurs endroits, pour supprimer des messes, comme à Paris, pour opérer en divers lieux des restrictions. Mais en bien des lieux et en bien des pays (l’Italie notamment), rien n’a changé. Malgré des effets d’annonce tonitruants au sujet d’une probable application sévère des décisions du Motu Proprio, une crainte légitime pour les séminaires traditionnels par la multiplication de visites canoniques, il ne s’est rien passé à ce jour. Puis, moins d’un an après sa publication, le pape accorde un décret qui revient très largement en arrière par rapport au texte précèdent.


Paix Liturgique : Mais ce décret ne concerne que la Fraternité Saint-Pierre...

Louis Renaudin : Et seulement le culte célébré dans ses maisons propres… Soyons sérieux. À Rome, ce décret, auquel s’ajoutent divers signes concordants, est bien compris comme un « débrayage » concernant toutes les communautés Ecclesia Dei.


Paix Liturgique : En avez-vous une preuve ?

Louis Renaudin : Dans les faits, pour l’instant, aucune action n’a été entreprise contre les instituts Ecclesia Dei comme tels, même si à Chicago l’ICRSP a été « barré », la FSSP à Grenoble a été remerciée, etc.


Paix Liturgique : Mais alors ce fut seulement contre les laïcs que cette opération a été menée ?

Louis Renaudin : Je ne le crois pas… car vous savez, les laïcs font ce qu’ils veulent. Quand ils se voient « interdits de messe », ils peuvent aller y assister ailleurs : chez Saint-Pie-X, voir dans les chapelles de la Résistance et même ailleurs quand la nécessité s’impose.


Paix Liturgique : Mais alors contre qui a été promulgué ce motu proprio ?

Louis Renaudin : Il faut avoir en tête plusieurs choses, dont la dernière est la plus importante :

1°/ La manière dont l’Église est gouvernée est relativement chaotique, mais c’est un chaos voulu comme méthode de gouvernement. Une décision est prise en un sens, puis à moitié contredite, et ainsi de suite. Je puis vous dire que les évêques français, dont un certain nombre ont accueilli avec une joie non dissimulée TC, sont aujourd’hui désarçonnés quand ils reçoivent un message du cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat, de « mettre la pédale douce ».

2°/ Par ailleurs, je vous l’ai dit, les durs petits esprits de Saint-Anselme et du Dicastère du Culte divin ont cru que leur heure était arrivée et ils ont un peu trop crié victoire, ce qui déplaît fort au pape François, lequel aime décontenancer ses meilleurs appuis pour bien montrer que c’est lui et lui seul qui gouverne. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait passer le message qu’on avait essayé de la manipuler. Mais attention, il ne faudrait pas non plus de notre côté crier victoire, car nous pourrions déchanter.

3°/ Mais fondamentalement, ce sont bien sûr les diocésains, évêques conservateurs (ceux des États-Unis spécialement), prêtres diocésains et religieux qui avaient pris goût à la liturgie traditionnelle de plus en plus nombreux. Le pape ne s’intéresse pas vraiment à la liturgie, mais on n’a pas eu de peine à le convaincre que l’esprit du Concile était en danger dans les presbytères.


Paix Liturgique : Mais c’est ridicule. Les diocésains touchés par la liturgie traditionnelle ne sont pas très nombreux.

Louis Renaudin : Vous commettriez alors une grande erreur d’appréciation car si avant Summorum  Pontificum les « diocésains et ordinaires » qui célébraient la liturgie traditionnelle étaient peu nombreux, la promulgation de SP a en quelques sortes fait se rompre les digues. N’oubliez pas qu’en dix ans (2007/2017), le nombre des messes traditionnelles dominicales a doublé dans le monde, pour une large part grâce à des diocésains : lors des enquêtes sur la situation de la liturgie traditionnelle dans le monde que Paix Liturgique à publiées en 2017/2018 et 2019, il apparaissait très clairement que le plus grand nombre des prêtres qui célébraient la liturgie traditionnelle étaient des diocésains et ce n’était qu’un début.


Paix Liturgique : Le début de quoi ?

Louis Renaudin : D’une « terrible » contagion liturgique. Je suis convaincu pour ma part qu’au rythme où allaient les choses depuis 2007, et malgré la résistance opiniâtre des évêques, le clergé diocésain était amené à se tourner irréversiblement et en très grand nombre vers la liturgie traditionnelle, ainsi d’ailleurs aussi que vers le catéchisme traditionnel. Voilà quel était le risque auquel étaient confrontés les ennemis de la Paix et de la Foi.


Paix Liturgique : Selon vous se serait contre cette contagion qu’aurait été publié le MP Traditionis custodes ?

Louis Renaudin : Je vous répète que les choses sont complexes : dire qu’on veut interdire la messe traditionnelle aux diocésains, implique par le fait qu’on veut la réserver aux ghettos, hors diocèses, à la marge. Sauf que les ghettos croissent et embellissent, puisque les séminaires traditionnels connaissent tous une nette croissance depuis TC, alors que les séminaires diocésains continuent de plonger. Oui, j’affirme que les prêtres diocésains, pour leur part, ont été depuis un an et demi les vraies victimes de cette décision inique. Cela il faut le dire et il ne faut surtout pas les abandonner : nous devons les aider de toutes nos forces !


Paix Liturgique : Pouvez-vous m’en fournir un exemple ?

Louis Renaudin : Il suffit de relire TC où il est clairement écrit que les prêtres diocésains qui voudraient célébrer selon l’Usus antiquior devront en demander la permission à leurs évêques qui eux-mêmes devront obtenir l’accord de Rome. Or, la totalité des demandes – je dis bien la totalité – qui ont été formulées, en tout cas selon ce processus ont reçu une réponse négative, et cela sur ordre supérieur.

Ce qui me conforte dans l’idée que le motu Proprio Traditionis custodes avait pour premier objectif de freiner le tsunami traditionnalisant, qui irrémédiablement allait bouleverser le clergé catholique en pleine crise de la Foi. Qu’il ait eu aussi pour objet, à l’origine, de stériliser si possible le monde traditionnel, n’est pas douteux. Mais la capacité de résistance de ce monde a été nettement sous-estimée. Rien n’arrive à le briser ni le freiner depuis un demi-siècle.


Paix Liturgique : Que concluez-vous ?

Louis Renaudin : Porter atteinte aux prêtres diocésains c’est tenter de porter un coup fatal à la Renaissance indispensable de l’Eglise catholique.

Car, voyez-vous, ce seront les prêtres diocésains qui, par leur action en faveur du catéchisme et de la liturgie, pourront œuvrer au niveau universel pour cette restauration. Les autres sont seulement des aiguillons indispensables certes, mais des aiguillons provisoires.

Nous devons donc prier pour que le ciel vienne en aide à tous nos amis prêtres qui dans les diocèses seront demain et dans l’avenir les ferments du renouveau de l’Eglise.

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