Notre lettre 789 publiée le 22 mars 2021

DE MEESTER M'A TUÉ ?

UNE SUITE DE NOTRE ENQUÊTE SUR MARTHE ROBIN

C’est peu dire que l’abbé Bernard Peyrous, né en 1947, auteur en 2006 d’une « Vie de Marthe Robin », (1902/1981), censée faire référence, a fait mauvais accueil à la publication posthume de « La fraude mystique de Marthe Robin » du Père Conrad De Meester, (1936/2019), à l’automne 2020. Sa première objection est juridique : ce réquisitoire du carme belge, expert désigné pour l’enquête diocésaine de béatification, n’aurait jamais dû être édité, car couvert par le secret de l’instruction. Le « nihil obstat » et l’ « imprimi potest » que la somme de l’expert belge arbore de façon posthume, sont pourtant à leur place en page de garde. Mais introuvables  en préambule de la « vie de Marthe Robin » de 2006, mentionnée ci-dessus, tout autant que du tout neuf « le vrai visage de Marthe Robin » rendu public à la mi-mars 2021, de la main vengeresse de l’abbé Peyrous. Idem pour « Marthe Robin, le mystère décrypté », paru en 2011, de François de Muizon (né en 1952)  et pour « Marthe Robin en vérité » de l’abbé Pierre Vignon, né en 1954, livre sorti en février dernier. Tous ces auteurs ne s’autorisent que d’eux-mêmes. Soit.


Quant au fonds critique servi par le Père De Meester, conçu au sens kantien du terme comme exercice de rationalité et non comme l’enquête à charge d’un virulent détracteur, il concourt à la manifestation de la vérité selon une méthodologie qu’il expose en toute clarté. Est-il fragilisé par les assauts synchronisés, et toutefois divergents, des répliques cherchant à l’anéantir? Tant s’en faut, nous verrons pourquoi.

L’abbé Peyrous fustige ce qu’il appelle un coup d’édition de la part du « Cerf », auquel réagirent des titres proches de la mouvance « Marthe » par une mise à l’index quelque peu poussiéreuse de la thèse venue du plat pays. L’abbé formule son dégout de procédés commerciaux en matière si noble. C’est sa deuxième tirade. Une troisième assure l’enchainement : Dès 1990, le fond De Meester était connu, isolé, disqualifié. Sa résurgence, trente ans après, ne s’imposait pas. Et pour cause : « c’est au final une fausse enquête » (BP2, p. 130).  En somme, « A la fin de l’envoi, je touche ! », comme Cyrano ? Voire !

Les cinq livres dont nous avons examiné avec attention le contenu, et dont la mise en perspective nourrit la réflexion présente se répartissent ainsi :



2006 : Vie de Marthe Robin . (BP1). L’abbé Peyrous, prêtre de l’Emmanuel, est postulateur depuis 1996 de la Cause de Marthe Robin. Il a pris la suite de l’abbé Ravanel (1923/2011), premier postulateur officiel de la Cause (1986/1996), directeur des Foyers de Charité à la suite de l’abbé Finet (1898/1990), lui-même co-fondateur avec Marthe Robin. Quoi qu’il n’en excipe à aucun moment, l’abbé Peyrous n’a pas connu l’inspirée. Il travaille sur documentation, et notamment celle qui, de 1986 à 1996, a été colligée par l’enquête diocésaine, laquelle précède le temps romain de l’instruction canonique.



2011 : Marthe Robin, le mystère décrypté. (F.M.) François de Muizon, universitaire (sciences de l’information et de la communication) a été l’un des experts de Mgr di Falco, évêque de Gap, dans le cadre de la reconnaissance, en 2008, des apparitions de ND du Laus. Il n’a pas connu Marthe Robin, et risque, pour appâter le chaland, en sus d’un titre à la promesse non tenue, une biographie « non autorisée », mais instructive néanmoins.



2020 : La fraude mystique de Marthe Robin. (CDM) Le Père Conrad  De Meester (1936 /2019), expert désigné en 1886 par Mgr Marchand, évêque de Valence, n’a pas connu Marthe Robin. Il ressort de son travail que l’essentiel des énoncés mystiques sont des emprunts multiples, non signalés comme tels. Le carme constate la vacuité du dossier médical, met en doute l’impotence et l’absence d’alimentation (inédie). Il considère la thèse des stigmates comme mal étayés.




2021 (février) : Marthe Robin en vérité. (P.V.) L’abbé Pierre Vignon, né en 1951, du diocèse de Valence, a connu Marthe Robin (1902 /1981). C’est le régional de l’étape. Marthe est drômoise. Pour lui, cela dit tout. Aux émules de CDM, il objecte « touche pas à ma Drôme », « touche pas à ma Marthe ». Il en appelle à l’affaire Dreyfus, qu’il résout à sa façon sur un ton d’évidence, à l’affaire Omar Raddad, et l’affaire Grégory pour déconsidérer la graphologie, et plus largement, toute fonction expertale. Marthe est, selon lui, au-delà de la mesquinerie des chercheurs de preuves. Ce faisant, il savonne délibérément la planche des postulateurs, qu’il renvoie dos à dos avec CDM. C’est lui qui charge le plus clairement le Père Georges Finet (1898/1990), « choisi par Dieu » puisque Marthe l’affirme, mais « pas au niveau » pour l’exercice de son mandat. Erreur (divine) de casting ! Il fallait oser, c’est fait.



2021 (mars) : Le vrai visage de Marthe Robin. (BP2), l’abbé Peyrous écarté de la postulation, reprend du service, et révèle ce qu’il n’est plus tenu de taire (à F.M. notamment lorsqu’il travaillait à son propre essai), n’étant plus postulateur. Ce dernier opus, qui montre que l’Histoire s’accélère, exprime très clairement sa révolte. Mais le grief fait à CDM de ne pas avoir étoffé son argumentaire depuis 1990, hommage involontaire à la stabilité de l’argumentaire du carme défunt, se retourne contre l’ex-postulateur, tant la fureur le conduit, volens nolens, à lever le voile, dans BP2 sur les ambiguïtés du couple fonctionnel Finet /Marthe, réalité sur laquelle BP1, quinze ans plus tôt, s’était montré fort discret. Hormis la publication honnie, l’actualité intercurrente imposait elle quelque concession ?


La clôture de l’instruction canonique, en 2011, ayant été suivie en 2014  d’une reconnaissance de l’héroïcité des vertus de Marthe Robin, le titre de Vénérable lui est décerné de ce fait. La Cause est-elle victorieuse ?  Tant s’en faut, malgré cette première étape. Les postulateurs veulent une canonisation complète, laquelle requiert une autre dignité préalable, celle de la béatification. Les premières accusations portées en raison de désordres comportementaux du Père Marie-Dominique Philippe, dominicain fondateur de la Fraternité Saint Jean, proche des Foyers de Charité, datent du printemps 2013. Si la Famille Saint Jean  fut légitimement bouleversée par les contradictions intimes de son fondateur, l’affaire n’éclaboussa pas la pieuse recluse de la Drôme, qui passait pourtant pour avoir validé la fondation nouvelle en 1975.

Mais successivement le dominicain Thomas Philippe, déjà épinglé dans les années 50,  le canadien Jean Vanier, co-fondateur de l’Arche avec le Père Thomas, et aussi d’autres fondateurs de communautés nouvelles, l’abbé Peyrous lui-même, et enfin l’abbé Finet, en personne, courant 2020, sont accusés sur le terrain des mœurs. Et ne sortent pas indemnes des instructions indépendantes qui seront diligentées par les institutions mises en cause.

La « mouvance Marthe » est mise à mal. Certes, les déviances déplorées sont d’inégale gravité. Si tout est peccamineux, tout ne relève pas du Code Pénal. D’autant que les dénonciations sont, pour la plupart, posthumes en ce qui concerne ceux qui sont ciblés. L’action publique étant définitivement éteinte par le décès des mises en cause, perdure l’action disciplinaire, et l’instruction d’un éventuel système de pensée favorisant les abus, lequel se voit confirmé.

L’heure est, depuis 2002, à la repentance des diocèses. Adorant ce qu’ils avaient brulé, la Conférence des évêques de France veut apparaitre comme étant aux côtés des victimes, et, pour ce faire, tourner la page du « secret défense » au sein de l’Institution de plus en plus malmenée. On recense donc à grande échelle les victimes de prêtres, en libérant la parole. Mais parfois un zèle intempestif fait de nouvelles victimes chez des prêtres accusés à tort ou sans nuance.

La question, chacun le conçoit, est désormais de savoir si Marthe Robin savait, ou ignorait, le fonds des « âmes » des figures de proues qui, en grand nombre, la consultèrent, puisque telle était la grâce dont elle passait pour être gratifiée. Si Bernard Peyrous, le postulateur évincé, devenu zélateur pour son propre compte, n’a pas connu celle dont il soutient la Cause, il est patent qu’il n’a pu bénéficier du discernement qu’elle aurait pu lui prodiguer si quelque face à face avait eu lieu. A contrario, que quelque 45 années de côtoiement avec « le Père » Georges Finet, pour qui elle était « mon enfant », n’aient pas permis plus de lucidité de la « privilégiée du Ciel » sur quelque travers à rectifier chez son Mentor, au titre de la simple charité, c’est à y perdre son latin, qu’ incidemment le démon censé tourmenter Marthe, compréhensif, ne requiert pas pour les exorcismes itératifs auxquels il obtempère.

Lors de leur première rencontre, en 1936, Marthe Robin s’adresse au prêtre lyonnais avec l’autorité du Ciel, et ça marche ! Libéré à mi-temps par le Cardinal Gerlier, l’abbé va superviser la fondation des Foyers de Charité (in extenso : de Charité, de Lumière et d’Amour), et en assumer la direction à temps plein à partir de 1946, selon les inspirations de Marthe. Concrètement, et sauf leur respect, c’est l’alliance de la carpe et du lapin. Le grand bourgeois lyonnais, conservateur, aisé, cultivé et d’une ambition à l’avenant, ne s’est-il pas fait embobiner par cette petite paysanne infirme qui, de fait, va en fasciner plus d’un, et non des moindres ? A côté de la famille Finet, elle se perçoit comme « une souillon » (FM, BP1) mais elle a de la ressource, puisque c’est à elle d’exposer sans vergogne les volontés du Ciel pour « le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » selon le vers de Mallarmé. Bref, ça le fait, selon l’expression familière contemporaine.

Le couple fonctionnel s’organise : le Père n’a que quatre ans de plus que sa protégée, qui, elle-même, ayant envisagé le Carmel avant de tomber malade, a soif de direction spirituelle. S’en suivront des décennies d’interdépendance. Les avis divergent quant à la désignation du Maitre et de l’Esclave. CDM pense que l’infirme a trompé le prêtre, qui, pour sa part, s’est approprié l’œuvre et l’inspiratrice. FM montre en détail l’écran imposé par Finet, sous couvert de protection. Tant vis-à-vis des curieux que des malveillants. Qui l’en blâmera ? Mais en imposant une « légende dorée » quant à l’aventure des Foyers, en décourageant toute exploration médicale sérieuse, et, in fine, en falsifiant la scène mortuaire, le Père commun a combattu méthodiquement l’accès à la vérité de bien des faits, de façon irréversible.

Prudent, le postulateur Peyrous (BP1) admet que le plenum du savoir objectivable est loin d’être atteint, mais il se garde d’accabler le fondateur, car aucun grief ne l‘atteindrait sans malmener simultanément la fondatrice, celle qu’il s’agit de porter intacte sur les autels. Il  se concentre donc sur l’observable d’aujourd’hui, c’est-à-dire sur la fécondité de l’œuvre. Encenser le fruit, c’est sacraliser l’arbre. CQFD. Seule concession à l’Histoire, celle de la crise des Foyers (1978/1980) quant au statut canonique de l’œuvre, seule vraie tension entre les deux protagonistes. Malgré le pardon mutuel, Marthe Robin, meurtrie, n’y survivra que quelques mois.

La stratégie déployée dans BP1 et BP2 est celle de l’asepsie et du baume. Il fait dans l’hagiographie. En clair, deux vies de saint en une pour régénérer le monde par une Pentecôte d’Amour. La longue litanie de témoignages servie dans BP2 parvient elle à servir la Cause ? Rien n’est moins sûr car, du fait de l’anonymat qui « les protègent » (de quoi donc ?), on ne sait pas qui parle, à quel titre, et selon quelle proximité réelle. Ce jeu permanent de clair-obscur laisse dans BP2 une impression assez négative. Déjà, en 2011, FM révélait l’omniprésence du secret imposé à titres divers mais frisant l’overdose. Dans BP2, à vrai dire, le « best-of » déçoit plus qu’il ne convainc. A contrario, il confirme le prestige de Marthe. Le coaching dévolu par la multitude de ses visiteurs, souvent de haute compétence sociale apparente, à cette paysanne handicapée manifeste à coup sûr la tragique perte de crédit des clercs dans l’Eglise-Institution, malade du concile Vatican II.

Atypique, mais non dénuée d’audace, l’argumentation de l’abbé Vignon (P.V.) est simple : Marthe n’est pas « pour le monde », comme le soutiennent les postulateurs, elle est à nous drômois, et à Dieu. Il faut l’avoir connue pour pouvoir en parler. La Marthe de CDM n’est pas la Marthe réelle, c’est un concept, une abstraction d’intellectuel. Dehors les positivistes, friands de faits et de vérifications, vous n’êtes pas à la hauteur, vous n’accèderez pas à la vraie Marthe, la nôtre. Les postulateurs, traités comme des marchands du temple, apprécieront ! Il pratique l’estrapade avec l’abbé Finet. Il entame un panégyrique : un  vrai lyonnais, grand vivant (sic), choisi par Dieu (Marthe l’affirme), puis le lâche brutalement « il n’était pas à la hauteur pour comprendre le degré mystique de Marthe Robin » (p.214). On avait cru comprendre qu’il avait été recruté pour la raison inverse ? Heureusement, un filet de rattrapage amortit la chute : « Mais il le savait, (…) et il lui en demandait pardon » (ibidem)

Des cinq ouvrages dont nous avons parlé, que retenir, hormis la genèse des Foyers de Charité et son contexte :

L’affaire de famille qu’est la naissance illégitime de Marthe Robin est ignorée par F.M., par P.V., mentionnée mais éludée par BP1 et BP2. CDM n’est donc pas réfuté.

Quid des « emprunts » mystiques ? P.V. réplique en délateur : le Padre Pio c’est pareil. Va-t-on le dé-canoniser ? Sauf qu’il ne s’abreuve que d’une seule source « étrangère ». Par BP2, ça se précise : « Quand on lui fit remarquer (au Père Finet) qu’il semblait y avoir chez Marthe des passages venant d’autres auteurs, il répondit que si un père du Foyer disait cela, il l’exclurait des Foyers » (sic, p.48) ! BP2 tempère : Marthe écrivait pour le Père, pas pour être publiée. Toutefois, à la mort de Marthe, il admet qu’on a découvert des cahiers de sa main qu’elle a soustraits au Père.

Le dossier médical reste désespérant. En 1941, l’évêque de Valence, Mgr Pic, réclame une expertise, pour anticiper une exigence du Saint-Office. Examinée en 1942 par deux médecins lyonnais proches des Foyers, le bilan est maigre, la patiente hurlant dès qu’on la touche. Le très bienveillant Dr Assailly, déçu (qui ne le serait ?) par l’examen tronqué de 1942, revient à la charge en 1953 pour qu’un bilan en clinique, sous sa houlette, soit diligenté (F.M., BP1, BP2). Marthe l’éconduit. Il se rallie, faute de mieux, au diagnostic de 1942 (P.V.). Un bilan avait été accepté ultimement pour la semaine sainte 1981. Las, le décès intervient le 6 février. Un expert du procès canonique, sceptique, le seul avec CDM, va même jusqu’à suspecter le Père Finet d’avoir causé la mort de Marthe (en l‘affamant!) pour empêcher le bilan redouté… (BP2). F.M. et P.V. en tiennent pour la paralysie totale, la cécité totale, l’inédie absolue, l’insomnie ordinaire, bref, la doxa Finet. BP1/2 y voit une fluctuation clinique qui ne fait pas l’affaire des précédents. Une « encéphalite de Von Economo », à effet léthargique sur les années 1919/1921 est concevable, à défaut d’avoir été diagnostiquée à l’époque. Cette pathologie probablement virale, contemporaine de la grippe espagnole, est une « maladie du sommeil » occidentale, sans nécessité de mouche tsé-tsé comme dans la maladie du sommeil africaine (trypanosomiase). L’encéphalite tue le patient dans un tiers des cas, guérit sans suite pour un autre tiers, et se chronicise sur un mode parkinsonien pour les autres. Cette dernière issue ne concernant pas Marthe, place est faite désormais pour l’indécidable. Merci, les fondateurs !

Un rapport moins phobique avec le corps médical n’aurait-il pas pu conduire à quelque soulagement de souffrances déclarées atroces de façon récurrente, voire lassantes par l’hyperbole qui gêne l’adhésion. Nous sommes au 20e siècle. Quelque compassion légitime par rapport à soi-même n’aurait-elle pas profité à Henri, le frère de Marthe, qui, souffrant de pénibles névralgies faciales, finira par se suicider au grand dam de sa sœur qui n’a rien anticipé…

Quid des passions, qui commencent le jeudi soir et se terminent le dimanche matin, voire le lundi ? Une torpeur rend Marthe absente. L’abbé Faure, curé de Châteauneuf, l’assistera le vendredi à partir de 1928.  Il prend des notes, et consigne les propos qui surgissent du sommeil. En 1936, l’abbé Finet le remplace, et fait de même. Quand il s’absente, il ferme à clé la porte de la chambre, et la garde sur lui.

De quoi Marthe Robin est-elle morte ? Un certificat complaisant (F.M.) la dit morte de mort naturelle. Ouf ! Le Père Finet en tient pour un effet du démon, qui aurait profité de son absence. Difficile à coucher sur le papier bleu officiel. Quant à l’odeur de sainteté, c’est plus tristement un méléna (saignement digestif très malodorant) constaté dans une cuvette, elle-même cachée sous une armoire, qui va accueillir le Père Finet. Marthe est à terre, froide, des chaussons aux pieds. Il la recouche avec une aide tierce, fait vider la cuvette, et prie pour que la Sainte Vierge jugule le démon, auteur de cette mort apparente. Las ! La mort est bien réelle.

Les Foyers de Charité ont certainement maintenu dans la Foi une population nombreuse, cherchant une alternative à des paroisses moribondes d’une part, aux prieurés traditionnels d’autre part. Cette voie tierce, voulue comme étant d’Eglise, a continué à paître le troupeau, sans faciliter une réflexion d’ensemble quant aux forces qui, de l’intérieur de l’Eglise, s’employaient à la fourvoyer. Ce manque de discernement est, à notre sens, à l’origine de fondements fragiles pour l’œuvre entreprise, et de formations trop incomplètes pour servir suffisamment l’ambitieux projet initial.

Ajoutons qu’à aucun moment de l’Eglise son devenir et sa guidance n’ont relevé d’une mystique isolée, fût-elle à l’origine d’une fécondité estimable. Nous avions signalé auparavant que la stratégie pacifiste donne des œillères et que la pratique transmise limitait le service rendu à la fonction de troupes auxiliaires. C’est par la consomption des diocèses, et l’ostracisme anti-tradis que ce vivier nouveau a pu paraître offrir des troupes de choc.

Au total, CDM n’est pas réfuté. Le sera-t-il un jour ? L’Eglise a déclaré Marthe Robin Vénérable, comme si le doute profitait à l’accusée. Qui pourra éclairer ceux qui, parmi les zélateurs de Marthe Robin, s’adossent aux contradicteurs pour prouver l’excellence de la Cause par le seul fait qu’elle est combattue ? Le diable porte pierre, soit, mais est-ce la pierre d’angle ? Convenons que l’Institution, en l’état du dossier, c’est-à-dire nonobstant ses lacunes, exposerait la fiabilité de son discernement en allant plus avant dans l’agreement de la Cause sans rehausser significativement son niveau d’exigence. BP2 veut passer en force ; P.V. botte en touche. Il subsiste, convenons-en, une singularité assez mystérieuse chez cette paysanne au destin insolite. Entre la doxa officielle et la thèse CDM, il y a un espace de pensée qui reste à combler, notamment sur un point crucial : Pour BP2, la thèse CDM postule impérativement que Marthe ait un complice, ce qui la rend absurde. Faut-il chercher bien loin pour déjouer cette déduction qu’il faut comprendre comme ouvrant, pour la refermer aussitôt, une catégorie insoupçonnée jusque là ? Un complice, pourquoi pas ? Mais pourquoi un seul ? 


Docteur Philippe de Labriolle, Psychiatre honoraire des Hôpitaux

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