Notre lettre 756 publiée le 3 août 2020

QUELQUES INFORMATIONS ET RÉFLEXIONS A PROPOS DE L'INCENDIE DE LA CATHÉDRALE DE NANTES ( SUITE)

Un peu plus d’une semaine après l’incendie de la Cathédrale de Nantes, le principal est maintenant connu : le nom du coupable, ses motifs, le coût approximatif des travaux et leur durée. A notre suite, d’autres, notamment Dominique Métaireau, président des amis de l’orgue de la cathédrale de Nantes, s’interrogent sur des failles de sécurité béantes qui ont facilité la tâche de l’incendiaire. Ce dernier a avoué les faits et coopère désormais avec l’enquête.


Paix Liturgique : Le coupable a avoué, que savons-nous de lui ?

Anne François de Bretagne : Il s’appelle Emmanuel Abayisenga, il est rwandais, c’est le bénévole chargé de fermer la cathédrale la veille au soir qui avait déjà été interpellé peu après l’incendie. Il avait été libéré en début de semaine dernière, avant d’être interpellé de nouveau le samedi 25 juillet à 6h15 ; dans la nuit de samedi à dimanche, il reconnaît l’incendie auprès du juge d’instruction et est placé en détention provisoire le 26 juillet à 2h30 du matin.

Il était chargé de fermer la cathédrale depuis deux ans, a expliqué le sacristain Jean-Yves Magnier à la presse locale, le décrivant comme un « garçon réservé, qui a du vivre des choses très difficiles au Rwanda, il y a 25 ans [lors du génocide des Tutsis], un peu timide, mais serviable, gentil ». Il avait 39 ans, était sous le coup d’une OQTF ( Obligation de quitter le territoire français ) , maintenue après que tous ses recours, jusqu’aux plus hautes instances, aient été rejetés et purgés. Il avait aussi subi un échec dans ses démarches pour obtenir le statut d’étranger malade.

Le sacristain affirme à la presse locale l’avoir assisté dans ses démarches par une attestation ; juste avant l’incendie, le 17 juillet, Emmanuel Abayisenga avait écrit un mail, adressé à plusieurs membres du diocèse et aux autorités administratives, où il affirmait ne pas être soutenu et aidé dans ses démarches ; il y a écrit aussi qu’il était enfermé « dans un cercle vicieux déplorable ». Cependant, « les explications [du présumé incendiaire] ont été pour l’instant très superficielles et encore un peu confuses », a expliqué le procureur Pierre Sennés à la presse locale.


Paix Liturgique : La générosité de l’Eglise à son égard n’a guère été payée de retour ?

Anne François de Bretagne : Pas vraiment, non. Il aidait à la cathédrale, certes, mais était aussi logé au couvent des Franciscains, place Canclaux. C’est d’ailleurs la chapelle de ce couvent – la chapelle haute – qui sert d’église provisoire à la paroisse Notre-Dame de Bon-Port, leur église étant en travaux de réfection pour plusieurs années. C’est là qu’il a été interpellé de nouveau ce samedi.


Paix Liturgique : Que sait-on de plus sur l’incendie, sur son déroulement ?

Anne François de Bretagne : Le procureur Pierre Sennés s’est longuement confié à la presse locale. On sait ainsi qu’il a été repéré aux alentours de la cathédrale – vers 7h45, selon des sources proches de l’enquête – par des caméras de vidéoprotection installées aux abords. L’utilisation de produits accélérants a été constatée – et prouvée – sur deux des trois foyers de l’incendie. Pour le mobile, une expertise psychiatrique devrait être ordonnée sous peu, comme souvent en de pareils cas.


Paix Liturgique : Le président des Amis des Orgues a dénoncé dans la presse locale des « négligences coupables » de la part de la paroisse cathédrale. Qu’en est-il ?

Anne François de Bretagne : les propos de Daniel Métaireau ont en effet été relayés par la presse locale. Outre le fait qu’il estime que les travaux dureraient dix ans et coûteraient 5 millions d’euros – pour ma part, je suis d’avis que cela ira plus vite, mais plus cher, on sera plus près de dix millions d’euros entre la consolidation de la tribune, la réfection de l’électricité et des verrières, ainsi que de l’orgue – il pointe en effet clairement des « négligences coupables » de la part de la paroisse qui ont facilité la tâche de l’incendiaire et aggravé les dégâts.

« La cathédrale est un édifice parfaitement entretenu mais incontestablement mal protégé », a-t-il affirmé, constatant son incompréhension à confier les clés d’un « symbole du gothique flamboyant » à un migrant : « quelqu’un qui est expulsable, on ne lui confie pas les clés ». Pis, celles de l’orgue : « dans la mesure où c’est un endroit interdit d’accès pour le grand public, cela ne se justifiait pas. C’est impardonnable », a-t-il balayé. Autre reproche : « le nombre de jeu de clés, une quinzaine, en circulation ».

Pis, l’orgue était mal protégé. Dominique Métaireau pointe « l’absence de système de détection des intrusions, de caméras et de détecteurs à l’exception de la crypte. On sait pourtant qu’un orgue, avec ses bois, ses peausseries, sa tuyauterie, ça peut faire l’effet d’une allumette dans une botte de foin ». La charpente de la cathédrale étant en béton suite à l’incendie de 1972, « c’est par ses orgues que la cathédrale pouvait le mieux brûler », relève-t-il encore.


Paix Liturgique : Le sacristain de la cathédrale, Jean-Yves Magnier, rassurait pourtant la presse locale sur le risque d’incendie qu’il jugeait infime, s’inquiétant plutôt des avions qui survolaient la cathédrale ?

Anne François de Bretagne : On peut dire qu’il a été cruellement démenti. Aussi parce qu’il a menti par omission à la presse locale – sur ordre ? – en laissant écrire le 16 avril 2019 que c’est lui qui fermait la cathédrale alors que déjà à l’époque, c’était le bénévole qui a provoqué l’incendie de la cathédrale qui fermait les lieux. Au passage, il fait deux aveux dérangeants : l’un, d’une incursion par les échafaudages et de dégradations satanistes (Un gros "666" sur l’autel), un autre d’une personne qui a passé la nuit dans la cathédrale, endormie sur l’un des bancs ; les rondes des bénévoles n’auront pas été efficaces. Ce qui démontre que déjà à l’époque, il y avait des lacunes constantes dans la surveillance de la cathédrale et l’organisation de la paroisse, mais les pouvoirs publics n’y ont pas prêté attention ou les ont délibérément ignorées.


Paix Liturgique : Cet incendie peut-il avoir des conséquences sur le diocèse, sur le sacristain, voire le curé de la cathédrale ?

Anne François de Bretagne : Tout le monde est d’accord pour reconnaître des négligences – sauf le diocèse ; les bénévoles ont eu l’ordre de se taire. La police a trouvé le coupable, pour elle, ça s’arrête là. Un cadre du diocèse m’a assuré que pour eux, non : « on va faire en sorte que cela ne se reproduise pas, il y a eu des négligences qui ont conduit à une perte irréparable du patrimoine et à la fermeture de la cathédrale pour une durée indéterminée, on ne veut pas que ça se reproduise, on va fouiller ». Par exemple s’intéresser aux autres bénévoles migrants ?


Paix Liturgique : L’incendie de la cathédrale de Nantes a aussi mis en émoi le petit monde des sacristains…

Anne François de Bretagne : Oui, et ils ne sont pas tendres pour leur confrère de Nantes, même s’ils partagent sa douleur. « Un bénévole ne doit pas avoir les clés, point », m’a affirmé le sacristain d’une cathédrale du nord de la France. « Il doit y avoir des gens qui ont les clés, dûment déclarés auprès de l’administration des monuments historiques ; et le moins possible », a balayé un autre, plus au nord encore. « Peut-être que cette fois le diocèse de Nantes va arrêter le bricolage et confier la fermeture de la cathédrale et les rondes à une société privée dont c’est le travail, avant de perdre leur cathédrale tout à fait ? Reims le fait par exemple et s’en porte bien, ce sont des vigiles qui ouvrent et qui ferment, et qui tournent en permanence », s’interroge un sacristain en charge d’une cathédrale dans le Val de Loire.


Paix Liturgique : Certains bénévoles de la cathédrale ont eux aussi remarqué des bizarreries dans l’organisation de la paroisse…

Anne François de Bretagne : Oui, et en témoignent, malgré les consignes de silence qui leur ont été passées – ils ne font que leur devoir de chrétien et de citoyen, mais le curé de la cathédrale a probablement sa propre version de la Bible.

L’un d’eux nous affirme ainsi : « reconnaître des négligences c’est bien. Se pencher sur les migrants qui travaillent, de façon plus ou moins dissimulée et sans qu’on sache grand-chose d’eux, c’est mieux. Toutes les paroisses de Nantes et agglo ou peu s’en faut en ont ; les trois quarts n’ont pas de papiers en règle ; ils logent dans des foyers ou des couvents. Sur la quinzaine de bénévoles de la cathédrale qui forme le « noyau dur », il y a une dizaine de migrants. Il n’y avait aucune difficulté pour certains à se faire recruter : on leur demandait s’ils avaient quelques heures de libres par semaine, et ils étaient engagés sur le champ ; je l’ai vu faire devant moi ».


Paix Liturgique : Ce bénévole savait-il quelque chose sur l’incendiaire, alors bénévole chargé de fermer les portes de la cathédrale ?

Anne François de Bretagne : en réalité peu, et il donne des précisions inquiétantes : « il était très discret ; on ne l’appelait jamais par son nom, et il changeait. Il a répondu au nom de Victor, et même de Mohammed. En réalité on ne sait pas s’il est catholique ou pas c’est quand même dingue ! et d’autres bénévoles étaient comme lui. C’étaient des ombres, exploités par l’Eglise au prétexte qu’ils étaient aussi nourris et logés par l’Eglise – c’est la définition même du travail dissimulé, enfin pour une entreprise « normale », des ombres complètement hors du champ du droit. C’était géré avec tellement de dissimulation qu’on pouvait constater qu’ils, le curé, le sacristain, les responsables du diocèse… n’avaient pas la conscience tranquille et qu’un jour ça allait leur exploser à la gueule. Ce qui n’a pas manqué… »

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