Notre lettre 596 publiée le 30 mai 2017

SUMMORUM PONTIFICUM PERMET AUX FIDÈLES DE SE FORTIFIER DANS LA FOI

Venu présenter à Paris son dernier livre On ne plaisante pas avec les sacrements (éditions Artège, mai 2017), don Nicola Bux, ancien consulteur des Congrégations pour la Doctrine de la Foi et du Culte divin (1), a donné, le dimanche 21 mai, une très belle homélie en l’église Saint-Eugène-Sainte-Cécile, où il célébrait la grand-messe. Nous vous la proposons accompagnée de nos habituelles réflexions.




I – L’HOMÉLIE DE DON NICOLA BUX

Visitáre pupíllos et viduas in tribulatióne eórum, et immaculátum se custodíre ab hoc sǽculo. 
[Iac. 1, 22-27 - Visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves, et se garder purs de toute souillure de ce monde.]
Exívi a Patre et veni in mundum: íterum relínquo mundum et vado ad Patrem.
[Ioann. 16, 23-30 - Je suis sorti du Père pour venir dans le monde, et je quitte ce monde pour aller vers le Père.]

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Comme le manifestent bien ces deux versets de la liturgie de ce cinquième dimanche après Pâques, toute notre vie terrestre doit être orientée vers les choses du Ciel.

Dans notre vie de chrétiens, ceci se manifeste en particulier à travers les sacrements. Vous avez, la semaine dernière, eu la joie de célébrer les confirmations de trente-cinq de vos baptisés et je voudrais en profiter pour souligner combien, eu égard à la situation présente de l’Église, il est important d’offrir la forme extraordinaire du rite romain dans la vie ordinaire des paroisses, comme vous le faites ici à Saint-Eugène-Sainte-Cécile depuis plus de 30 ans et comme l’encourage depuis 10 ans le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI.

En Italie, mais aussi sans doute en France, la confirmation est trop souvent devenue le sacrement de l’adieu à l’Église. Pourtant, la confirmation nous confère l’empreinte indélébile de l’Esprit sur nous et devrait nous conforter dans la militia Christi, le témoignage public du Christ. Pour la liturgie antiochienne, ce sacrement est le bouclier de la foi et le casque invincible contre toutes les machinations du prince de ce monde. L’onction chrismale sert à renforcer l’action de la grâce et la foi baptismale en nous, c’est pourquoi il est bon, comme cela était le cas jadis, qu’elle soit conférée au plus tôt : au plus tôt nous nous lions à l’Église – la confirmation grave en nous un caractère d’appartenance, une connotation ultérieure par rapport au baptême – et au plus tôt, grâce à la force ultérieure de l’Esprit Saint, nous pourrons répandre la foi par notre parole et par nos œuvres.

Saint Ambroise explique : « Dieu le Père t’a marqué, le Christ Seigneur t’a confirmé et il a mis dans ton cœur le gage de l’Esprit. » Saint Thomas rappelle que le confirmé reçoit le pouvoir de professer publiquement la foi chrétienne, presque comme une charge officielle. La confirmation est le sacrement pour le combat spirituel et non la décoration après la bataille, quoi qu’en pense quelque théologien moderne...

Le sacrement de la confirmation est étroitement associé au baptême et à l’eucharistie : ensemble ils servent à la bataille, parce que, comme dit saint Ambroise, la vie est une lutte : ubi certamen, ibi corona, « Où est le combat, là est la couronne ». La vie chrétienne en tant que combat est une image patristique qui convient très bien à la théologie des sacrements, spécialement à ceux de l’initiation.

Dans la préface que le cardinal Sarah a bien voulu donner à mon livre sur les sacrements, il compare les sacrements à la médecine de l’âme : « Comment peut-on seulement imaginer se moquer de la présence de Dieu ? Comment est-il possible de plaisanter avec les sacrements, qui sont les signes efficaces – nous pourrions dire les médicaments, surtout le médicament de l’immortalité qu’est l’eucharistie – pour guérir des plaies du péché et nous redonner la santé ? (…) Ne pas plaisanter avec les sacrements, poursuit Son Éminence, signifie, avant tout, mettre le Sacrement des sacrements au centre, le Saint-Sacrement, inexplicablement déclassé aujourd’hui, au nom d’un fantomatique conflit des signes : on dit que le tabernacle ne peut être sur l’autel où le Seigneur se fait présent dans la messe. La même chose s’est produite avec la croix. Au contraire, le tabernacle, et plus particulièrement la croix, fournit l’orientation Ad Dominum [Vers le Seigneur], si indispensable en cette époque, dans laquelle beaucoup voudraient se passer du Seigneur, ou vivre comme si Dieu n’existait pas, afin de faire tout ce qu’ils veulent. »

Vous qui avez la grâce de vivre votre foi au rythme de la liturgie traditionnelle, vous savez combien la liturgie est vaine et superficielle si elle ne contemple pas la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ. Parce qu’elle rappelle à l’homme d’aujourd’hui que la liturgie, à l’image de nos vies, ne peut qu’être christo- et théo-centrée, la forme extraordinaire du rite romain doit être toujours plus connue, diffusée et célébrée.

Nous devons rendre grâces à Benoît XVI du don du motu proprio Summorum Pontificum qui permet à tant de fidèles de se fortifier dans la foi, à tant de vocations sacerdotales et religieuses de s’épanouir et à tant de jeunes de s’approcher du mystère eucharistique. 10 ans après Summorum Pontificum, nous pouvons reprendre les mots de l’alors cardinal Ratzinger pour le 10ème anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei, en 1998 : « La présence de l’ancienne liturgie ne trouble ni ne menace en aucun cas l’unité mais est un don destiné à conforter le corps du Christ duquel nous sommes tous les serviteurs. »

En ce mois de Marie, que Notre-Dame veille sur la liturgie traditionnelle, que Notre-Dame veille sur votre communauté de Saint-Eugène-Sainte-Cécile et qu’elle nous guide, par son cœur immaculé, à une dévotion toujours plus grande envers la présence réelle et efficace de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les saints sacrements de l’Église.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.


Il y avait foule à Rome lors de la présentation de l'édition originale du livre de don Nicola Bux, en mars 2016.


II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Professeur de liturgie orientale et de théologie sacramentelle pour l’archidiocèse de Bari-Bitonto, don Nicola Bux est l’un des grands promoteurs du thème de la « réforme de la réforme » inspirée par les travaux de Joseph Ratzinger. Auteur de La réforme de Benoît XVI, la liturgie entre tradition et innovation (Tempora, Artège, 2009) puis de La foi au risque des liturgies (Artège, 2011), il publie donc aujourd’hui, toujours chez Artège, cet ouvrage au titre éloquent : On ne plaisante pas avec les sacrements. Tandis que le journaliste Vittorio Messori, auteur de L’Entretien sur la foi avec le cardinal Ratzinger (Fayard, 1985) en avait préfacé l’édition originale italienne, Con i sacramenti non si scherza (Cantagalli, mars 2016), c’est le cardinal Robert Sarah, Préfet du Culte divin, qui signe la préface de cette version française. Soulignons que l'une des particularités des travaux de don Nicola Bux, est de les soumettre souvent au prisme de la liturgie orientale, dont il est un bon connaisseur (2).

2) En mars 2016, la présentation à Rome de l'édition originale du livre avait représenté un tel événement que nous lui avons consacré notre lettre 538, du 14 avril 2016. Les cardinaux Sarah et Burke présentaient le livre, aux côtés de l’ancien président de la banque du Vatican, Ettore Gotti Tedeschi. Quatre autre cardinaux (Farina, Saraiva Martins, De Paolis et Brandmüller) étaient assis au premier rang d’une salle comble. Étaient en outre présents Mgr Viganò, ex-nonce apostolique aux États-Unis, Mgr Marchetto, qualifié par le Pape François de « meilleur herméneute de Vatican II », Mgr Pozzo, Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, Mgr Laise, ancien évêque de San Luis, en Argentine, grand défenseur de la communion sur les lèvres, et plusieurs autres prélats.Comme lors des conférences du cardinal Sarah, on notait la présence de nombreux jeunes prêtres enthousiastes parmi l'assistance. Les débats, ordonnés notamment par le correspondant de Paix liturgique à Rome, furent attentivement suivis. Il faut dire que le livre, qui traite de la redécouverte du caractère sacré des sacrements par la réaffirmation des droits de Dieu dans la liturgie, sortait en librairie alors que la question de l’accès aux sacrements occupait tous les esprits. 48 heures plus tard, le Pape François publiait en effet l’exhortation apostolique Amoris lætitia...

3) Dans son sermon, don Bux a mis en valeur un remarquable thème théologique évoqué dans la préface de son livre par le cardinal Sarah : le caractère médicinal des sacrements. Il s'agit d'un développement éminemment thomiste – tous les sacrements, comme les soins du Bon Samaritain de la parabole, s’adressent à une nature humaine profondément blessée par le péché originel et les autres péchés – que la théologie contemporaine, par peur de la peur que provoquerait le péché, a tendance à occulter. L’eucharistie, sacrement de la vie, qui contient le Dieu vivant, est le suprême médicament pour l’âme, qui la conduit à l’immortalité, en continuant à guérir des plaies du péché pansées par le sacrement de la pénitence. Pour illustrer la centralité absolue de la sainte eucharistie dans la vie chrétienne, don Bux cite souvent le déportement des tabernacles hors de l’autel majeur, survenu dans les églises paroissiales depuis la réforme liturgique. Rappelons que l’un des grands combats liturgiques de la Contre-Réforme, et de saint Robert Bellarmin en particulier, fut de redonner, par se signe monumental dressé sur l’autel, le sens de la présence infiniment transcendante – et qui se fait cependant toute proche – de Jésus dans le sacrement de l’autel. Avec finesse, don Bux, sorte de missus du cardinal Robert Sarah, lie cette disposition du tabernacle avec le sens liturgique naturel de la cérémonie, orientée vers la croix, vers le Seigneur.

4) Évoquant le sacrement de la confirmation, Nicola Bux a aussi pris parti avec discrétion dans le débat relancé récemment en France sur l’âge de la confirmation. L’évêque de Dijon, notamment, Mgr Roland Minnerath, suggère que la confirmation soit éventuellement donnée avant la première communion, selon l’ordre antique des sacrements dit de l’initiation chrétienne (baptême, confirmation eucharistie), partant du constat que seule une petite minorité de jeunes et d’adultes reçoivent encore aujourd’hui le sacrement de confirmation (3). « Il est bon, comme cela était le cas jadis, qu’elle soit conférée au plus tôt », approuve don Bux, se référant à l’ancienne pratique romaine d’une confirmation donnée à de jeunes enfants : « Grâce à la force ultérieure de l’Esprit Saint, nous pourrons répandre la foi par notre parole et par nos œuvres ».

5) Bien sûr, c’est surtout l’importance du motu proprio Summorum Pontificum qu'a saluée le prélat italien devant les fidèles parisiens : la forme antique de la liturgie permet à de nombreux de fidèles de se fortifier dans la foi ; elle est de manière évidente semence de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses. Et de citer Benoît XVI : non seulement, elle ne menace pas l’unité, mais elle la conforte. Tant il est vrai que, si la grâce, la res, de l’eucharistie est l’unité du Corps mystique, l’expression la plus pure et la plus forte du sacrement-sacrifice, celle donnée par la messe traditionnelle, ne peut qu’être un puissant instrument d’unification de l’Église. Et pour être plus précis, en cette époque de désintégration du corps ecclésial, la messe traditionnelle est un grand moyen de réunification de l’Église.

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(1) Il fut aussi consulteur du Bureau des Célébrations liturgiques du Souverain Pontife sous Benoît XVI.
(2) Don Bux est archimandrite de l’Église catholique chaldéenne.
(3) Au point que, contre toute règle canonique, en France, on a cessé d’exiger que les candidats au mariage soient confirmés.

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