Notre lettre 1230 publiée le 2 juillet 2025
LA GRANDE MISÈRE
DE L’ÉGLISE D’ALLEMAGNE
L’ASSÈCHEMENT
DES ORDINATIONS
DE L’ÉGLISE D’ALLEMAGNE
L’ASSÈCHEMENT
DES ORDINATIONS
Après des années d’errements liturgiques, théologiques et autre propagande LGBT dans le chemin synodal allemand, les conséquences commencent à apparaître avec clarté. A la place de l’Allemagne chrétienne, c’est un désert de sel. Jusque-là, les centaines de milliers de « sorties d’Église », une démarche administrative qui permet de faire cesser la perception de l’impôt d’Église et qui détache l’individu de l’association reconnue comme étant l’Église, faisaient office de baromètre de la fuite des catholiques allemands.
Fuite encore aggravée par la démographie allemande – les chrétiens ne se renouvellent plus, et les jeunes allemands ne pratiquent pas, ou pas les religions chrétiennes. D’ailleurs, sujettes aux mêmes dérives, les églises luthériennes ne se portent guère mieux.
Mais cela apparaît encore plus clairement avec les ordinations – en 2024, les 27 diocèses allemands ont ordonné… 29 prêtres. Dont deux pour l’ex-RDA.
Chute continue depuis le « printemps du Concile »
La conférence épiscopale allemande donne d’ailleurs les chiffres depuis 1962, sans paraître en tirer les conclusions qui s’imposent : « le site de la DBK donne un tableau des ordinations en Allemagne sur une période de 63 années. En 1962, l’année de l’ouverture du concile Vatican II, l’Église allemande ordonnait 557 prêtres : la plupart des diocèses avec un nombre à deux chiffres, l’archidiocèse de Paderborn donnant à lui seul 53 nouveaux prêtres. En 1965, année de la fin du concile, le nombre était tombé à 500.
En 1969, le nombre d’ordinations n’était plus que de 356, soit une perte d’un tiers par rapport à 1962. Et en 1974, le nombre n’atteignait pas les 200 (196), soit à nouveau une perte d’environ un tiers. S’ensuit une stabilisation, le nombre repassant au-dessus de 200 et flirtant avec les 300 en 1989 (297) et 1990 (295), mais depuis 1971, dans la majorité des diocèses, le nombre des ordinations ne comportait plus qu’un seul chiffre.
Après 1990, le nombre d’ordinations reprend sa décroissance et repasse en dessous de 200 en 1995 (186), puis en dessous de 100 en 2008 (93), pour y rester. Depuis 2012, plus aucun diocèse n’a d’ordinations à deux chiffres. En 2022, il n’y avait plus que 33 ordinations et 29 en 2024 ; 11 diocèses n’ont eu aucune ordination. Le diocèse de Trèves arrive en tête avec 4 prêtres ordonnés ».
Cet effondrement se retrouve aussi en amont parmi les candidats effectivement admis au sacerdoce – on enregistre même une accélération de la chute sous le pontificat de feu le pape François : « la DBK a également publié les chiffres sur les admissions de candidats au sacerdoce. La même chute peut s’observer. Les premiers chiffres commencent en 1972 (348), puis s’élèvent jusqu’à 628 en 1985. Ensuite, ils baissent assez rapidement pour se stabiliser autour de 200 jusqu’en 2007 où la descente reprend, et passe en-dessous de 100 après 2016 ». Ils sont aujourd’hui 47.
Si la conférence des évêques d’Allemagne ne tire pas, disions-nous, les conclusions qui s’imposent, notamment par idéologie, car elles remettent complètement en cause le chemin synodal allemand, censé relancer l’Église dans la population en la mettant au diapason des exigences du monde, la FSSPX le fait : « Cette chute catastrophique coïncide avec les années conciliaires et postconciliaires, avec la réforme liturgique, puis avec le calamiteux Chemin synodal. Tout cela manifeste combien les progressistes vivent dans une illusion complète depuis 1962. Une illusion qui perdure, mais qui risque de disparaître faute de combattants… »
2025 pire encore que 2024 ?
Alors que les évêques allemands ne semblent pas remettre en cause leur course à l’abîme, les statistiques continuent à envoyer des signaux d’alarme à tous les étages, comme indique Riposte Catholique qui a compilé les ordinations des diocèses allemands – la plupart le font à la Pentecôte, soit plus tôt qu’en France.
Ainsi, 2025 sera la pire année pour les ordinations en Bavière en soixante ans : « Dans les diocèses bavarois, six prêtres ont été ou seront ordonnés en 2025, soit le pire chiffre en soixante ans. Ils étaient dix à l’être dans ce Land en 2024 : « dans trois diocèses, les ordinations ont été entièrement annulées cette année faute de candidats : l’archidiocèse de Munich et Freising, ainsi que les diocèses d’Eichstätt et de Passau. À Wurtzbourg, l’évêque Franz Jung imposera les mains à un candidat samedi prochain. Deux prêtres seront ordonnés à Ratisbonne (28 juin) et à Augsbourg (29 juin), et un autre candidat sera ordonné à Bamberg le 28 juin ».
Pareil en Rhénanie du Nord Westphalie, où il y à moitié moins de prêtres ordonnés que les années précédentes – cinq contre une dizaine en moyenne : « Le 7 juin, un homme sera ordonné à Paderborn (trois en 2024). Le même jour, un candidat sera ordonné à Aix-la-Chapelle, comme l’année précédente. Comme en 2024, il n’y aura pas d’ordination à Essen. Après deux années consécutives sans ordination à Münster, deux hommes y recevront le sacrement à la Pentecôte. À Cologne, l’ordination n’aura lieu que le 27 juin, cette fois avec un seul candidat (trois en 2024) ».
Certes, l’anti-record en Allemagne de l’Est ne sera pas renouvelé – de peu, trois prêtres seront ordonnés contre deux, dont deux à Görlitz dont ce sont les premières ordinations depuis 1987, et un prêtre, originaire du Bade-Wurtemberg nettement plus pratiquant, a été ordonné à Hambourg. Mais en tout, ce sont 25 prêtres qui doivent être ordonnés en Allemagne en 2025, soit encore moins qu’en 2024 – et moins d’un par diocèse.
Pis, l’avenir de certains diocèses semble compromis. Fulda ordonne trois prêtres, mais n’a plus aucun séminariste. Osnabrück ne compte qu’un seul séminariste, en première année. Le Limbourg n’a que cinq séminaristes, et la prochaine ordination aura lieu dans deux ans, au mieux, etc.
Un catholique sur six en 2019 a quitté l’Église en Allemagne
D’ailleurs les statistiques sur les sorties d’Église sorties en 2025, avec l’antériorité des chiffres, ne permettent aucun optimisme. Belgicatho, qui les a traduites et compilées, constate : « le premier chiffre qui attire l’attention est le nombre de sorties d’Église. Selon les données préliminaires de la DBK, 321 611 personnes ont officiellement quitté l’Église en 2024. Il est vrai que le chiffre est en diminution par rapport aux trois précédentes années (359 338 en 2021, 522 821 en 2022 et 402 694 en 2023). Mais il reste largement au-dessus de 300 000.
Si l’on y ajoute le nombre de décès estimés à plus 212 000 selon le rapport, le total dépasse 533 000, autrement dit le demi-million. Pour compenser ces pertes, le nombre d’entrées (1 839) et le nombre de réintégrations (4 743) sont minimes. Certes, il y a eu 116 222 baptêmes, mais ceux-ci sont en baisse constante (131 245 en 2023, 155 173 en 2022).
Cela explique que le nombre de catholiques est passé sous la barre des vingt millions. En 10 ans, l’Église allemande a perdu 4 millions de fidèles : il y avait 23,94 millions de catholiques en 2014, et seulement 19,77 en 2024 (27,3% de la population du pays). La chute a été très importante entre 2016 et 2021, et elle est profonde depuis 2022, après un ralentissement durant la pandémie ».
Quatre millions sur presque 24 millions de catholiques allemands en 2019, cela signifie qu’un catholique sur six a quitté l’Église catholique en Allemagne, soit par une démarche de « sortie d’Église », soit parce qu’il est mort. Mais plutôt que d’essayer de susciter l’union autour d’elle, l’Église catholique en Allemagne, comme les luthériens, suit ses vieilles lubies et distribue des anathèmes contre tous ceux qui contestent ses évolutions…
Évidemment, le recours aux sacrements suit la même logique d’effondrement : « entre 2014 et 2024, les baptêmes ont diminué de 29,6%, les premières communions de 19,9% et les confirmations de 30,0%. La diminution des mariages catholiques a été encore plus prononcée, avec une baisse de 48,9%. Autrement dit, il se célèbre moitié moins de mariage qu’il y a dix ans ».
Plus anecdotique, mais vraiment symbolique : même les commerces religieux ont du mal à trouver preneur en Allemagne – ainsi la vénérable boutique d’ornements et de matériels religieux Baumann, fondée en 1927 à Berlin, devrait fermer à la fin de l’année faute de successeur. Concurrence des ventes en ligne avec des prix plus compétitifs, mais peut-être aussi parce qu’il est impossible, au vu des photos dans la presse catholique allemande, d’y trouver une chasuble un tant soit peu traditionnelle…
Plus que trois séminaires en Allemagne ?
Témoin d’une forte crise dans le nombre des ordinations et de séminaristes, la proposition faite en 2020 de regrouper la formation des prêtres sur trois sites pour toute l’Allemagne. Soit à peine un de plus que pour toute la Belgique (qui compte, elle, une trentaine de séminaristes dans deux séminaires interdiocésains, un wallon et un flamand) ou pour la république tchèque dont 70% de la population se dit athée ou irréligieuse (16 séminaristes à Prague, 14 à Olomouc).
La proposition a suscité un tollé, pas tellement lié à la contestation de la crise qu’aux craintes des diocèses de perdre le contrôle de la formation de leurs séminaristes, voire de ne plus en attirer car ils ne pourront pas s’identifier à leur Église locale. Finalement, il est question de maintenir « dix lieux de formation théologique » à l’échelle du pays, qui ne seront pas seulement des séminaires, mais aussi des collèges dépendant de congrégations religieuses, des facultés ou des cursus de théologie dans des universités civiles etc.
Quant à l’évêque chargé de mettre tout cela en place, il a fermé son propre séminaire à Fulda et n’a plus de séminaristes. Il a d’ailleurs annoncé qu’il formerait les prêtres selon les principes du chemin synodal allemand. Après tout, ce ne sera pas la première fois que la relance de l’Église sera confiée aux pires managers, ceux qui ont planté leur diocèse sur le plan humain et religieux, ou qui ont carrément été empêchés par une fronde unanime du clergé de prendre un diocèse tant ils se sont faits une réputation calamiteuse. Pauvres catholiques allemands, pauvre Allemagne…