Notre lettre 686 publiée le 13 mars 2019

LA MESSE TRADITIONNELLE A ANGOULÊME

UN STATU QUO INDIGNE


Nous avons évoqué à plusieurs reprises* la situation de la messe traditionnelle à Angoulême car cette situation est emblématique d’un déni d’existence des fidèles attachés à la liturgie ancienne.


Un diocèse exsangue

Il est vrai que bien d’autres soucis accablent l’évêque d’Angoulême. La situation diocésaine laissée par le très moderne Mgr Dagens, de l’Académie française, est dramatique, notamment du point de vue économique. Le nouvel évêque, nommé en 2016, Mgr Hervé Gosselin, se plaignait d’avoir dû redresser un bilan économique désastreux : « À mon arrivée, cela a été un coup de découvrir le diocèse en grande difficulté économique. Nous devions redresser les finances. C’est comme si nous vivions au-dessus de nos moyens et que les ressources étaient trop faibles par rapport à nos réelles capacités. Nous avons dû réaliser des coupes budgétaires, vendre des biens et remplacer des postes. Nous n’étions pas déficitaires dans le bilan annuel mais le diocèse d’Angoulême n’avait pas de réserves. Nous partions vers la catastrophe. Aidés par des experts, nous avons pu redresser la barre financière et espérons rééquilibrer nos comptes pour 2020 ».

Ce lourd héritage économique a son pendant sur le plan religieux (voir notre Lettre n. 617). Nombre des églises d’Angoulême sont fermées de façon quasi permanente : Saint-Ausone est fermée depuis plusieurs années ; de même, Saint-André pour des travaux qui restent Hypothétiques ; Saint-Pierre Aumaître, Saint-Cybard et Saint-Jacques ont des messes épisodiques le dimanche ; la chapelle de l’Hôtel-Dieu, dans la ville haute, est désaffectée depuis des années ; à cela s’ajoute le récent incendie de l’église du Sacré Cœur, indisponible pour deux mois au moins (la paroisse a été relocalisée en l’église Sainte-Bernadette, jusque-là peu utilisée) ; sans oublier la Cathédrale, ouverte à la visite, très lumineuse, mais comme une grande coquille vide, déserte de clercs et de fidèles.


Une messe traditionnelle marginalisée




Mgr Dagens avait voulu faire de son diocèse « une terre déserte, altérée et sans eau », comme dit le psaume 63, du point de vue de la liturgie dite extraordinaire. « Angoulême est rouge depuis des siècles, dit un vieux catholique charentais, et a pâti d’évêques translucides, hérités de l’Histoire locale qui ont toujours eu un gros blocage vis à vis de la Tradition. Après il y a eu Mgr Dagens, une sorte d’évêque de cour sans l’intelligence et la finesse de Talleyrand. Il plastronnait mais au fond il se fichait de son diocèse et des tradis ».

Et cependant, le nouvel évêque, Mgr Hervé Gosselin, homme consensuel, a accordé en janvier 2017, il y a deux ans, que l’un de ses prêtres, l’abbé Jean-Baptiste Texier, puisse offrir une fois par mois la forme extraordinaire en l’église Notre-Dame d’Obezine. Quel dimanche ? Pour le savoir, il faut téléphoner…

Et ce fut tout : une seule messe par mois dans tout le diocèse ! Depuis, plus rien… Les fidèles Summorum Pontificum d’Angoulême, de Cognac, de Ruffec et de Confolens, avec lesquels nous sommes en contact, se désolent du mépris qu’ils subissent, dont témoigne le fait que l’abbé Texier est oublié de l’Annuaire diocésain en tant que célébrant du sanctuaire Notre-Dame d’Obezine. Prêtre fort classique, l’abbé Texier, 67 ans, fut formé à l’origine au séminaire de Paray-le-Monial. Ordonné en 1990, vicaire à Saint-Yrieix, en périphérie d’Angoulême, il avait de 2008 à 2010, de son propre chef, dans l’esprit du motu proprio Summorum Pontificum, célébré la liturgie traditionnelle chaque dimanche pour une quarantaine de fidèles. Confronté à de nombreuses pressions, fort mal inséré dans le diocèse, il a été prêté, en 2010, au diocèse de Bayonne. Retourné à Angoulême, sa seule mention dans l’annuaire diocésain d’Angoulême est : « prêtre chargé de célébrer la messe mensuelle dans la forme extraordinaire du rite romain ».


Dans un sanctuaire délaissé, une crypte en ruine

Située sous le flanc sud de l’acropole sur laquelle est perché le centre-ville d’Angoulême, Notre-Dame d’Obezine, sanctuaire marial de la ville, dont l’architecture néo-gothique de la fin du XIXe siècle, librement copiée sur celle la Sainte-Chapelle, pourrait être un centre religieux d’envergure. Or, sa seule activité officielle est un chapelet hebdomadaire, pour laquelle elle n’est ouverte que le mercredi de 14h à 16h30, pour quelques participants, dont la moyenne d’âge semble dépasser 80 ans.

Et malgré cela, les traditionnels se sont confinés dans la crypte pour ne pas mourir de froid en hiver dans une église sans chauffage, et une fois par mois seulement. Ils sont comme des étrangers de passage auxquels on a concédé d’occuper les parties les plus sordides de l’édifice, dans lesquelles on leur laisse déposer leurs bagages. On y voit des missels en rang et une caisse de graduels, mais aussi des statues récupérées çà et là, et même un chemin de croix posé par terre. Au fond, la chaufferie sert de dépôt de chaises, de caisses et même de vitraux posés en vrac contre un mur. Sur le côté, l’escalier en colimaçon qui mène à la sacristie haute –fermée – et à la flèche de l’église, mène aussi dans une sacristie basse qui sert de dépotoir, avec des armoires qui ne servent guère et une caisse de livrets de cantiques au beau milieu. Tout au fond, derrière deux poêles Godin rouillés qui feraient le bonheur d’un brocanteur, une pièce dont le plafond s’effondre et une porte à demi-condamnée qui donne sur une courette. L’on aperçoit encore des chandeliers dépareillés et une étagère pleine de canons d’autels divers.

Par un escalier à gauche de l’entrée – après une pièce sous la tribune qui sert de dépôt à de vieilles valises – on accède à la tribune poussiéreuse. Sur le côté, une armoire tout aussi délaissée recèle des cantiques mariaux, et même des vêpres en grégorien. Rien ne semble servir.

Symboliquement sans doute, l’édifice, dont cette partie a été concédée aux traditionalistes, ne dispose même pas d’eau courante, ni de toilettes…


Et pourtant, les fidèles existent

Il est clair qu’une messe mensuelle, dans de telles conditions matérielles, ne peut pas permettre la constitution d’une communauté vivante et croissante, comme partout ailleurs. Hervé Tertrais, qui s’est occupé de l’entretien de l’église et venait régulièrement au début, abonde : « Une fois par mois, ce n’est pas facile. On se désinvestit de sa paroisse pour ne rien pouvoir vraiment construire ici. Et la communication se fait très mal ici – les paroisses du centre-ville d’Angoulême ne diffusent pas nos jours et heures de messe. Les quêtes vont pourtant à la paroisse du centre-ville, mais leur responsable, Michel Manguy , 73 ans,voit les tradis d’un très mauvais œil ». Un autre paroissien enchaîne « Nous ne méritons pas d’être traités comme des chiens… nous avons montré notre bonne volonté et ce serait l’honneur du diocèse de nous accorder une messe tous les dimanches et fêtes dans une église chauffée avec le produit de nos quêtes ».




Or, un potentiel de pratiquants existe, comme partout, que prouve la demande récurrente et insatisfaite réalisée par des militaires d’Angoulême (le ville accueille, en effet, le 515e régiment du train et le 1er RIMA), ou encore le fait que les religieux de la Fraternité de la Transfiguration, proches de la FSSPX, rassemblent 100 fidèles tous les dimanches, à Saint-Aptone.

Et malgré tout, les fidèles de l’abbé Jean-Baptiste Texier ne se découragent pas. Ils sont une cinquantaine lors de la messe mensuelle. Le 3 janvier, lorsque l’évêque est venu les visiter, ils étaient 100. Ils savent qu’à la fin, il leur sera rendu justice, que ce statu quo indigne cessera et que leur droit à l’existence sera reconnu.


LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1 – Oui les fidèles attachés à La forme extraordinaires existent à Angoulême puisque plus d’une centaine d’entre-deux assistent chaque semaine à Saint-Aptone à la messe célébrée par les prêtres de la Fraternité de la Transfiguration.

2 – Oui les fidèles qui veulent vivre leur foi catholique au rythme de la liturgie traditionnelle en lien avec leur évêque existent puisqu’ils étaient plus de 100 à la messe du 3 janvier 2019 à laquelle a assisté, à leur grande joie, leur évêque Mgr Hervé Gosselin.

3 – Oui il se trouve à Angoulême des églises disponibles – et notamment Notre-Dame d’Obezine -   pour accueillir dignement chaque dimanche et fêtes une messe célébrée selon l’usus antiquor même si cette édifice nécessiterait quelques aménagement pour être " habitable".

4 – En 2007 au moment de la promulgation du motu proprio Summorum pontificum, plusieurs pasteurs ont demandé aux catholiques qui venaient les solliciter, de vérifier si leur demande était bien réelle avant d’accorder des célébrations « extraordinaires ».  12 ans plus tard le constat existe que leur demande était bien réelle et qu’avec un peu de bienveillance elle pourrait constituer un poumon catholique, parmi d’autres, de la ville d’Angoulême…

5 – Alors Pitié Monseigneur ! Et à l’entrée de vos fidèles en Carême ceux-ci vous implorent pour être traités comme vos enfants avec amour et charité, pour que cesse leur injuste mise à l’écart.

 *  dernièrement dans notre lettre 643

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